Interview d’André Casterman, SWIFT Global Head, Corporate and Supply Chaine Markets, ICC, Banking Executive Committee, Chair of BPO initiative. « Le BPO au service du commerce international »
1/ Comment voyez-vous l’évolution du trade finance vers l’open account/supply chain finance à l’horizon 2020 ?
Les opportunités pour les banques européennes et internationales résident dans leur capacité à trouver des moyens de financer des opérations qui s’éloignent du trade finance classique.
Le challenge consiste à étendre leur rôle au-delà de l’exécution du paiement, dans l’intermédiation du commerce international où l’essentiel des transactions s’effectue de façon non sécurisée (ie en compte ouvert /open account) en offrant des services de paiement et de financements.
Dans l’open account, la difficulté pour les entreprises est de calibrer le moment du paiement. L’acheteur préfère payer plus tard alors que le fournisseur cherche à être payé le plus tôt possible.
Depuis une dizaine d’années, les banques ont développé des services de financement via des modèles comme le financement des « factures approuvées » (« approved payables financing »). Ces modèles sont pour elles, dans certains cas, assez complexes à mettre en place et souvent limités aux grands acheteurs.
Aujourd’hui, les banques se rendent compte des limites de ces services qui sont souvent des schémas où l’acheteur et le fournisseur travaillent avec la même banque ce qui est très bien dans un marché national.
Or, à l’international, l’acheteur et le fournisseur ne travaillent pas nécessairement avec la même banque.
Le BPO apporte une solution, car il fait intervenir deux banques.
2/ Le « Bank Payment Obligation » (BPO) va-t-il s’imposer comme instrument du commerce international pour les corporates ?
Le BPO standardise et offre un cadre aux banques qui travaillent en « correspondent banking » ; il s’agit d’un modèle à quatre acteurs où chacune des parties (acheteurs et fournisseurs) travaille avec deux banques différentes. Le BPO va permettre de connecter les deux banques.
Le BPO établit le roaming entre la banque de l’acheteur et la banque du fournisseur de manière qu’elles puissent chacune financer leur propre client sans devoir établir une relation commerciale avec l’autre contrepartie.
Imaginons qu’avec nos téléphones mobiles, nous ne puissions appeler que les abonnés du même opérateur. Le téléphone serait probablement beaucoup moins utilisé. En effet, lorsque l’on appelle quelqu’un à l’étranger, généralement cette personne est sur un autre opérateur et les 2 opérateurs se connectent grâce à une technologie telle que le protocole GSM et il existe une association qui rassemble tous ces opérateurs pour qu’ils s’alignent. Ils sont concurrents et essayent de récupérer de nouveaux clients mais collaborent également.
Dans le monde bancaire c’est un modèle qui existe depuis longtemps et certainement grâce au « correspondent banking » que Swift a développé depuis plus de 40 ans. Le BPO s’inscrit dans ce modèle où la banque de l’acheteur et la banque du fournisseur s’inter-opèrent grâce au schéma légal fourni pour la Chambre de Commerce International basée à Paris et grâce à la technologie bancaire opérée par Swift.
Depuis 5 ans, le régulateur a imposé de nouvelles règles de conformité qui font peser un énorme fardeau financier sur les banques. Le fait est que certaines quittent certains marchés et adoptent un process de « derisking ».
Le BPO permet d’alléger certaines étapes et procédures ; pour accéder à de nouvelles contreparties, la banque de l’acheteur atteint le fournisseur via sa banque locale qui a déjà « on-boardé » son client.
Avec le BPO, les entreprises n’échangent plus sous format papier avec leur banque mais envoient des flux électroniques comme elles le font pour le paiement.
3/ Que recommandez-vous aux banques qui n’ont pas encore adopté le BPO comme instrument du commerce international ? Vont-elles pouvoir rester des acteurs du trade finance à part entière ?
L’objectif n’est pas que le BPO soit implémenté le plus vite possible dans toutes les banques. Les banques doivent analyser comment leurs clients, grandes entreprises, mid caps, PME utilisent les instruments de paiement et les plateformes électroniques pour gérer leurs commandes et factures ?
Quelle est leur évolution vers des solutions électroniques de trade dans le « B to B » ?
Cela varie selon les industries. Certaines sont plus tournées vers des solutions électroniques que d’autres. Par exemple, le marché des matières premières utilise des plateformes électroniques. Ces entreprises poussent leurs banques à passer sur ces solutions.
C’est pour cela que SWIFT a développé le BPO qui réplique la lettre de crédit en mode électronique et permet une transition vers le numérique pour les banques.
L’autre fonction du BPO est de permettre aux banques qui veulent financer l’open account en offrant des services de financements de gagner plus de transactions dans leurs activités de financement du commerce international. En Europe, le marché des paiements SEPA représente une énorme opportunité de financement pour les banques. Il est clair que la lettre de crédit ne permettra pas de mettre cette opportunité à profit. Par contre, le BPO ouvre cette porte.