INTERVIEW d’André Casterman

André-Castermann-

André CASTERMAN

CMO, INTIX ; NED, Tradeteq ; Chair Fintech Committee, ITFA
INTERVIEW d’André Casterman, CMO, INTIX ; NED, Tradeteq ; Chair Fintech Committee, ITFA

 

  1. Quelles sont les grandes évolutions à prévoir dans le domaine des paiements internationaux et du Trade Finance, sous l’effet des nouvelles technologies (blockchain, IA, crypto…) ?

Toutes les innovations technologiques qui rentrent dans le marché s’intègrent aujourd’hui dans une architecture globale, alors qu’au XXe siècle, tout était construit au niveau national. Les pays ont ensuite été interconnectés via SWIFT. Dans le domaine des paiements internationaux, les solutions digitales ont remis en cause l’organisation pays par pays. La technologie ne tient donc plus compte des frontières. Le modèle de « correspondent banking » basé sur les comptes Nostro/Vostro pré-financés est également remis en question. On passe au monde de la  « liquidité à la demande » grâce à l’utilisation de crypto assets tels que XRP (Ripple) et XLM (Stellar). Déjà, avec SEPA, l’Europe a largement contribué à rassembler les pays autour d’une plateforme commune multi-pays.

Ce qui sera le plus intéressant dans les années à venir ce ne sera pas l’innovation technologique mais les décisions des banques centrales, leurs positionnements par rapport à ces évolutions et la manière dont elles vont aider le marché à profiter de ces nouveaux services. La technologie est aujourd’hui disponible, mais il faut que le régulateur intervienne pour permettre une adoption plus globale de ces innovations. La balle est dans le camp du régulateur.

Les paiements personne à personne sont les premiers à bénéficier de ces solutions innovantes car l’approche risque constitue moins un frein pour les entreprises qui restent plus prudentes face aux nouvelles technologies. Mais les paiements business-to-business bénéficient depuis peu d’innovations incrémentales comme Swift GPI. Avec la multiplication des solutions, les coûts diminuent.

Dans le Trade Finance, on parle beaucoup de blockchain. Mais je pense que la blockchain n’est pas la panacée. Cette technologie permet de tracer l’information, d’être sûr d’avoir la bonne information. Elle permet par exemple de digitaliser le billet d’échange et le billet à ordre ce qui semble être une priorité pour de nombreux acteurs. Mais d’autres technologies, comme le machine learning, viennent également améliorer les processus dans la relation entre le client et la banque sans dépendre de la blockchain. La blockchain n’est donc pas un prérequis.

Nous observons également l’arrivée de nouveaux acteurs : des nouvelles institutions financières dans le marché primaire (pour financer des entreprises que les banques ne veulent plus financer). C’est une conséquence du de-risking, principalement sur les marchés émergents et les PME. Nous assistons également à l’émergence de plateformes (hubs) qui deviennent des market places comme Mitigram et Fineon Exchange.

Enfin, de nouveaux bailleurs de fonds s’impliquent dans le marché secondaire pour aider les banques du Trade à faire face aux impacts des règles de Bâle 3 et 4 en apportant des liquidités. Le Trade Finance devient ainsi une nouvelle classe d’actifs pour les investisseurs institutionnels.

 

  1. Quelles sont selon vous les startups qui vont s’insérer dans le jeu ; au-delà de Ripple, d’autres acteurs sont-ils à surveiller de près ?

Dans le monde des paiements internationaux, Mastercard et Visa visent désormais à moderniser le « correspondent banking » ce qui est absolument nécessaire. Nous allons assister à de nombreux changements dans ce segment tels que l’introduction des paiements instantanés au niveau international offerts à des coûts bien plus bas qu’actuellement.

Dans le monde du trade, tout est beaucoup plus complexe vu le nombre d’intervenants. Les startups se sont fortement spécialisées pour répondre à cette difficulté. En effet, il est impossible pour une plateforme unique de prendre en charge toutes les problématiques du Trade Finance. Ces Fintech sont interopérables et les grandes banques en implémentent plusieurs pour répondre à leurs besoins.

Parmi elles, on peut citer R3 / TradeIX / Marco Polo sur la digitalisation du Trade entre les banques et leurs clients ; Traydstream pour la digitalisation de l’expertise des règles ICC ; Tradeteq pour amener de la liquidité des investisseurs institutionnels dans le marché secondaire ; INTIX pour tracer les transactions en interne ; Enigio pour digitaliser les documents tels que Billet d’échange et billet à ordre ; Mitigram, Fineon Exchange, Levantor et GTC deviennent des  « market places ».

Ces Fintech, hyper spécialisées, vont s’assurer qu’il n’est pas nécessaire de transformer un système qui fonctionne et sont capables en deux ou trois mois d’ajouter de la valeur dans une banque, sans bouleverser le back office. Elles savent s’intégrer dans un environnement business et technique pour offrir de la valeur.

 

  1. Pouvez-vous nous dire plus spécifiquement qu’elles sont les implications de la migration 20022 pour l’industrie des paiements ?

 ISO 20022 est une norme de structuration de données qui a été créée à la fin des années 1990 par Swift. Cette norme a déjà été imposée par le régulateur européen dans le marché des paiements, dans le cadre du projet SEPA. D’autres segments de marché passent par la norme traditionnelle de Swift appelée « MT » qui a été conçue dans les années 70. Or, depuis, les données qui accompagnent les instructions financières ont considérablement évolué. Le but des standards ISO 20022 est d’introduire un langage commun très riche aux flux financiers. C’est la norme de l’avenir et c’est la raison pour laquelle SWIFT a lancé une phase de migration importante vers ISO 20022. Cette nouvelle norme contribue à apporter une richesse accrue de l’information liée aux paiements et à la raison du paiement. Cette migration implique toutefois d’importants impacts techniques pour les banques, notamment les back offices, qui doivent modifier leur système pour assurer le passage vers ISO 20022.

Cette norme va être adoptée par les banques centrales en Europe. Elle apporte non seulement un langage commun entre tous les opérateurs mais surtout une richesse beaucoup plus importante des informations.