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Digitalisation et COVID 19 mettront-elles KO le Cash ?
Si, paradoxalement en Europe, on n’utilise de moins en moins de cash pour régler ses dépenses, force est de constater que sa demande croît toujours en valeur comme en nombre, s’élevant à plus de 5 %, même avec la pandémie. Cette tendance répond principalement à trois besoins : celui d’une monnaie stable (un tiers des billets sont utilisés dans la zone non-euro), le besoin d’épargner, et enfin de pouvoir régler les dépenses dans la zone euro pour un tiers de son usage. Avant la pandémie, en France, 68 % des paiements de détail étaient réalisés en espèces. En valeur, la part représentait 28 %. Certes, la crise sanitaire aura eu un impact sur l’usage des espèces, mais il faudra attendre l’après-crise, pour constater si cet impact sera durable.
Huit Français sur dix restent attachés au cash. En France, 99 % de la population peut accéder à un DAB en moins de 15 minutes note le dernier rapport de la Banque de France. Cette dernière ne voit pas disparaître le cash avant 10 ou 20 ans. Elle continue à investir dans la filière, pour la gestion, la circulation, le recyclage, le tri et la fabrication des billets. Si le coût des espèces en France est évalué à 2,6 milliards d’euros par an pour les banques, dans l’addition, il faut aussi inclure le bilan carbone des autres paiements digitaux et notamment la facture des serveurs hébergeant les données digitalisées. Un DAB équivaut à un investissement entre 35 000 et 50 000 euros, auquel il faut rajouter 15 000 euros d’entretien. Ainsi, les banques, dans un contexte de rationalisation des coûts, planifient leur réduction. Le nombre de DAB a baissé de 4 % en 2019. On en dénombre actuellement environ 50 000. Pour combler ce déclin, la carte bancaire, grâce à la fonction « cash back », permet à des commerçants, et notamment des débitants de tabac, de contribuer à l’accessibilité aux espèces. Cela représente plus de 25 536 points d’accès fin 2019 soit 10 % de progression en un an.
Sur le plan sécuritaire, le cash reste un instrument extrêmement fiable et sûr. Les billets sont équipés de dispositifs sécurisés traçables. La preuve en chiffre : le taux de fausse monnaie est de 30 contrefaçons par million de billets, bien plus bas que pour les instruments digitaux, pour lesquels le taux de fraude atteint 0,062 % pour les cartes, 0,0035 % pour les virements et 0,0004 % pour les prélèvements. Des mesures ont été prises pour lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme, notamment avec l’arrêt des coupures de 500 euros. Les diverses initiatives pour déployer des monnaies alternatives digitales sécuritaires aux espèces montrent leurs limites ; des vols sont encore constatés sans pouvoir retrouver les fonds. L’enjeu pour ces alternatives digitales reste leur fiabilité et leur sûreté.
Sur le plan sanitaire, la monnaie et les billets sont moins porteurs de germes que les terminaux de paiement et clavier où l’on doit saisir son code confidentiel. Pour parer aux pandémies, certains comme Hong-Kong ont anticipé et fabriqué de nouveaux billets lavables.
Ni la pandémie ni le train de la digitalisation des paiements n’auront mis KO le cash. À noter, certains pays pourtant fervents adeptes de la suppression des espèces ont dû faire un retour en arrière. C’est le cas de la Suède et de l’Inde sous la pression de lobby de consommateurs. De même, dans les pays peu bancarisés où les solutions de paiement mobile se sont très largement déployées, les transferts de fonds s’effectuent digitalement, mais le retrait se termine systématiquement par des espèces. Le cash présente toujours deux points forts que ne couvrent pas les autres instruments de paiements digitaux dont les e-monnaies : l’anonymat et la gratuité. Le cash possède aussi un autre atout majeur avec la possibilité d’être échangé, même en cas de panne de réseau ou de black-out. Il paraît impensable de ne pas pouvoir payer en cas de réseaux informatiques hors service. Si le cash doit continuer à cohabiter avec les solutions digitales, ce sera l’une des raisons de son maintien. Enfin, deux visions s’affrontent, d’une part, la digitalisation et le contrôle financier que souhaitent avoir les acteurs financiers sur la clientèle et, d’autre part, les défenseurs des droits à la gratuité et à l’anonymat. Pour répondre à ces fondamentaux de la liberté, gratuité et anonymat, le cash n’est pas prêt de disparaître.