PAIEMENTS ET SERVICES
Les paiements de détail cèderont-ils à l’appel de la blockchain ?
L’effervescence autour de la blockchain est bien réelle, principalement en raison des possibilités spéculatives. Concurrencées par les fintechs et les néobanques, les banques commencent à étudier et à investir dans des projets autour de la blockchain. Les paiements de détail sont un de ces axes de recherche. Depuis 2008, la blockchain tente de tracer sa route en multipliant les initiatives et les innovations. La dernière en date est l’application fidélité Lyzi qui permettra de payer en cryptomonnaie, tout en bénéficiant du cashback dans un grand centre commercial à Paris à partir du 8 juin. Nombreux sont les investisseurs qui ont parié sur la blockchain et ses dérivés pour profiter d’un gain à très court terme, sans vraiment vérifier si cette technologie répondait à un besoin réel de l’écosystème des paiements. Quelle est donc l’influence gravitationnelle de la blockchain dans la galaxie des paiements ? Comment les banques pourront-elles maintenir plusieurs systèmes de paiement alors qu’elles cherchent à rationaliser les coûts en mutualisant leurs plateformes ?
La blockchain présente de nombreux points forts pour le paiement, comme l’instantanéité, son caractère digital, l’absence de plafond imposé, le sceau blockchain pour certifier la transaction, une commission à ce jour moins élevée. C’est une technologie décentralisée qui offre pour les paiements une vision innovante de l’usage de la monnaie digitale, internationale et anonyme. Néanmoins, victime de son succès, et non régulé le paiement en cryptomonnaie sert souvent pour contourner des sanctions ou des règles internationales, comme récemment la Russie a annoncé qu’elle réfléchissait à payer en bitcoins pour contourner le paiement en roubles. De plus, la blockchain n’est pas infaillible et malheureusement n’est pas infalsifiable. De nombreux vols de cryptomonnaies sont dénoncés pour régler des paiements, mais aucune solution n’a été trouvée pour récupérer les jetons dérobés. En 2021, la plateforme MISO, s’appuyant sur la blockchain, a été victime d’une cyberattaque lui dérobant 864 jetons, l’équivalent de 3 millions de dollars. Elle possède à l’évidence des défauts majeurs pour recevoir la palme d’or. Le bitcoin et autres jetons cryptoactifs sont très volatils y compris les stablecoins. Le fameux stable Terra a perdu 99,8 % de sa valeur le 12 mai dernier. Son anonymat et sa difficile traçabilité sont des points critiques, notamment pour suivre un paiement international. L’anonymat n’est pas pertinent pour réaliser des transactions financières de gros montant. Il faut pouvoir les tracer, afin de gérer les risques de fraude et de paiements illicites tels que le blanchiment, l’achat de drogue et d’armes. Son caractère spéculatif induit également un risque systémique. Son paradoxe est de se prévaloir d’être un réseau décentralisé, mais réservé à une élite digitale, voire fortunée, elle est de ce fait non universelle. Tout système de paiement recherche l’universalité pour se déployer. S’ajoute, à ce tableau des risques, le flou sur la fiscalité qui n’est pas encore réglementée. Après 13 ans d’investissements et de multiples partenariats, force est de constater que la blockchain n’a pas atteint son objectif d’être un acteur majeur des paiements de détail. Ne serait-ce pas une nième technologie, avec plus de 15 000 différentes cryptomonnaies, dont le fameux bitcoin, qui vient fragmenter les marchés déjà saturés des paiements et des devises ?
Tant que l’ensemble des régulateurs de la planète ne siffleront pas la fin de la partie et n’imposeront pas des règles communes et saines au niveau international, ce marché devrait rester une niche. Trop volatile, instable, énergivore, induisant un risque systémique et la non-traçabilité des transactions, la blockchain doit encore poursuivre sa mue, au risque de finir au catalogue des mirages technologiques des paiements. L’avenir des paiements réside dans la stabilité, mais avec une dose d’innovation pour rester compétitif. C’est pourquoi il est important de rester à l’écoute de la créativité autour de la blockchain, comme avec le métavers et les chatbots complémentaires du parcours digital. Les banques doivent poursuivre des programmes ambitieux pour rester compétitives, en explorant les nouvelles technologies, même si ces dernières sont encore embryonnaires ou en phase exploratoire, pour capter le moindre signe de démarrage. Alors, suivons les paroles de Malraux « Les grands rêves des hommes poussent aux grandes actions ».