3 questions à Thierry Vaast C.A.O. France chez Neuflize OBC (ABN AMRO) membre du Comité de Direction
1. Neuflize OBC s’est engagée dans un processus de digitalisation. Quelle est votre vision de la banque numérique ?
Nous sommes une banque spécialisée dans la gestion de fortune au service de clients privés et d’entreprises patrimoniales, nous nous devons donc d’offrir des services multiples qui doivent rester irréprochables.
Le numérique représente une révolution sociétale qui touche le monde dans lequel nous vivons et toutes les entreprises doivent s’y adapter.
On résume souvent la digitalisation des banques à la dématérialisation. C’est évidemment un des aspects importants, mais cela va beaucoup plus loin en modifiant assez fondamentalement la relation avec nos clients, la façon dont nous interagissons avec eux mais aussi notre manière de travailler, d’investir nos espaces de travail, de casser la rigidité hiérarchique…
Pour nos clients, la digitalisation, c’est surtout la possibilité de pouvoir traiter leurs opérations n’importe quand et de n’importe quel endroit. C’est extrêmement important, car cela nous demande d’intégrer, outre les développements technologiques, la modification des comportements et de nos habitudes de fonctionnement.
Notre clientèle, à qui nous offrons un service très personnalisé, souhaite se déplacer moins souvent et pouvoir accéder à nos services à distance. Cette évolution ne doit pas nuire à la qualité des échanges. Avec les nouveaux canaux de communication, nous devons continuer à faire du haut de gamme sur mesure. Il s’agit finalement plus de services complémentaires que d’une industrialisation forcenée des relations clients.
Nous constatons aussi une accélération qui s’impose à nous, banquiers, traditionnellement moins réactifs. Nous devons en tenir compte et utiliser ces nouvelles technologies pour offrir plus de souplesse, de flexibilité et de réactivité.
Nous devons être capables de proposer des modes d’interaction différents selon les choix de nos clients. Certains sont à la pointe des nouvelles technologies mais d’autres souhaitent conserver une relation de proximité plus forte. Nous devons nous garder d’un modèle unique.
Pour résumer, notre challenge est double : apporter toute la souplesse demandée sans tomber dans la standardisation et permettre de rester « connecté » à distance tout en gardant une forte proximité avec nos clients. Enfin, au moment de la COP21, le numérique doit être un instrument de réduction de notre empreinte carbone.
2. En quoi consiste cette digitalisation ?
Nous n’avons pas les mêmes moyens que certains grands groupes bancaires et nous devons procéder par étapes.
La première est de mettre à disposition de nos clients ces nouveaux outils de communication afin de leur offrir des possibilités d’interactions simples, rapides et ergonomiques avec nous. Parallèlement, nous travaillons à un changement de culture avec, par exemple, la création de groupes de travail indépendants de toute ligne hiérarchique.
La deuxième consiste à dématérialiser, autant que faire se peut, les tonnes de papier que nous consommons, tant en interne qu’en externe.
La troisième enfin nous amène à adapter notre informatique. Nos systèmes doivent se moderniser et pouvoir fonctionner 24 h/24 pour le client. Par ailleurs, l’ouverture de nos systèmes informatiques doit se faire en intégrant les problématiques de sécurité liées au développement significatif de la cybercriminalité. Nous devons impérativement offrir des applications dont la sécurité est optimisée en permanence.
3. Comment se passe cette transition ? Comment est-elle perçue par vos équipes ?
Nos collaborateurs doivent intégrer ces évolutions de la relation client. Par ailleurs, la dématérialisation va avoir un impact d’autant plus important sur nos modes de fonctionnement que nous sommes dans une industrie traditionnellement papivore. Travailler sans papier est encore loin d’être naturel.
Nous devons aussi profiter de cette évolution pour offrir plus de souplesse dans l’organisation du travail. Par exemple, nous venons juste de signer avec nos partenaires sociaux un premier accord de télétravail dont le développement sera rendu possible grâce à la dématérialisation.
Par ailleurs, nos équipes commerciales devront être plus accessibles par nos clients. Ainsi, aux Pays-Bas, ABN AMRO, notre actionnaire, a mis en place un dispositif afin que les banquiers puissent assurer des entretiens à distance avec leurs clients de 7 h à 23 h C’est, à mon sens, une évolution incontournable et nous devrons nous y adapter progressivement en introduisant ces nouvelles pratiques pas à pas.
L’accélération du monde dans lequel nous vivons nous impose aussi d’être en mouvement perpétuel. Nous devons désormais nous remettre constamment en cause, rester connecté sur l’évolution des modes de consommation et des technologies. Ceci nous oblige à repenser nos modèles « classiques » d’organisation.
Le changement est souvent vécu comme un traumatisme. Nous devons aider nos collaborateurs à suivre ces évolutions de façon continue et à appréhender le changement comme une opportunité et non comme une menace. En ce sens, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, que nous avons mise en place, nous aidera à mieux anticiper l’évolution de notre métier, d’autant plus que le phénomène « d’Uberisation » concerne aussi le secteur financier.
Pour y arriver, nous pouvons avoir besoin d’apports externes en termes de veille technologique, de compétences techniques et de connaissance des nouveaux métiers. En ce sens, des cabinets dotés d’une expertise forte et pointue, comme Syrtals, peuvent aider à amorcer et à mettre en service le changement.