Editorial
L’instrument de paiement : d’outil du quotidien à arme géopolitique
Il y a quelques semaines, les pays européens et les États-Unis annonçaient des sanctions économiques et financières sans précédent contre la Russie. L’instrument de paiement s’est retrouvé au cœur des discussions et s’est avéré être un enjeu majeur dans la géopolitique actuelle.
De façon progressive, mais continue depuis des années, ces instruments n’ont cessé d’évoluer en termes d’imbrication dans le commerce qu’il soit de détail ou de gros.
Les zones d’acceptation des différents instruments, des cartes aux flux se sont étendues avec le SEPA, mais également avec les schémas internationaux de cartes.
L’instantanéité des transferts, le suivi et les capacités de filtrage ont progressé dans le même sens pour que cette industrie soit capable, en toute sécurité, d’accepter des volumes de plus en plus importants.
En 2020, avec le début de la pandémie mondiale de COVID-19, l’instrument de paiement est entré dans nos vies avec la montée en charge du commerce électronique et a permis à tous de continuer avec un semblant de normalité, malgré les confinements ; il a assuré la transition vers le télétravail, a maintenu le niveau de consommation… au point de devenir un outil incontournable de notre quotidien.
Aujourd’hui, l’actualité internationale nous prouve que la résilience et la capacité d’adaptation des nouveaux moyens de paiement se jouent dans le positif comme dans le négatif. Dans une période d’affrontement entre deux blocs, les moyens de paiement peuvent être contrôlés et les flux stoppés de manière instantanée. Il s’agit d’une situation inédite tant au niveau de la portée de la sanction qu’au niveau de sa structure : les gouvernements publics et les entreprises privées unissent leurs volontés.
Cette évolution est-elle surprenante ? Pas forcément. En effet, la monnaie a toujours joué un rôle immense dans nos sociétés et a toujours été un instrument de pouvoir. La différence ? L’instrument de paiement n’est aujourd’hui plus limité à un pays ni à sa souveraineté : il s’agit désormais d’un flux international. Il se déplace et ne peut être bloqué par une frontière. La rapidité avec laquelle il peut être interrompu est sans égale : cela n’existe dans aucun autre domaine. Ce pouvoir et cette vélocité questionnent profondément le rééquilibrage, à terme, des normes internationales et domestiques.
À l’heure actuelle, les réglementations sont encore centrées sur les pays et les zones géopolitiques. Pourtant, l’enjeu de l’internationalisation des flux de paiement, ainsi que les questions d’hégémonies et de souveraineté que cela pose doivent être mis au premier plan. Cette sensibilité façonne les allégeances et interroge sur la pertinence de laisser s’installer des monopoles de providers pour la souveraineté commerciale des pays et ouvre de nouvelles perspectives de débat… La monnaie était déjà un moyen de pression, les instruments de paiement l’ont rejoint dans cette dimension politique.
SYRTALS COMPLIANCE
Sanctions en réaction à la guerre en Ukraine : les impacts sur les dispositifs LCB-FT
Depuis le 21 février 2022, date à laquelle le président russe a annoncé reconnaître l’indépendance des oblasts ukrainiens de Donetsk et de Louhansk, plusieurs pays de l’Union européenne, les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, l’Australie, la Nouvelle-Zélande… mettent en place, étendent ou renforcent une série de sanctions internationales dont certaines avaient été introduites dès 2014 avec l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie. Cette situation, avec des sanctions qui continuent d’évoluer compte tenu du conflit en cours, génère un impact significatif pour les services de conformité, en charge, notamment, de s’assurer du bon respect des sanctions et des obligations de déclaration en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ainsi qu’en matière de gestion des risques de cybersécurité liés à la criminalité financière.
Au niveau de l’Union européenne, les sanctions prises en réaction à la crise en Ukraine deviennent de plus en plus nombreuses[1] et comprennent notamment :
- des mesures restrictives ciblées ou individuelles de gel des avoirs, d’interdiction de mettre à disposition des fonds, ou encore d’interdiction d’entrer sur le territoire de l’UE ou de transiter par celui-ci. Cela concerne une liste[2] de près de 850 personnes physiques et une cinquantaine d’entités (membres de la Douma d’État et membres du Conseil de la Fédération de Russie, décideurs, banques, hommes et femmes d’affaires, oligarques, hauts responsables militaires…) ;
- des sanctions économiques ciblant les échanges avec la Russie et avec la Biélorussie dans des secteurs spécifiques, dont certaines existent depuis 2014[3] dans le cadre du suivi des accords de Minsk (accès limités aux marchés des capitaux de l’UE, embargo sur les exportations et importations d’armes, interdiction d’exportation des biens à double usage, de biens et technologies de radiocommunication destinées à la navigation maritime…). À ces sanctions s’ajoutent, depuis février 2022, d’autres mesures[4] qui étendent des restrictions financières existantes, interdisent les transactions avec les Banques centrales de Russie et de Biélorussie, excluent sept banques russes et limitent trois banques biélorusses du système SWIFT ;
- des restrictions applicables aux relations économiques avec les zones des oblasts de Donetsk et de Louhansk non contrôlées par le gouvernement ukrainien (interdiction d’importer des marchandises, d’exporter certains biens et technologies, restrictions sur le commerce et les investissements, interdiction de prestations de services touristiques) qui s’ajoutent à celles déjà existantes avec la Crimée et Sébastopol[5], des sanctions individuelles et économiques contre la Biélorussie[6]
- un ensemble de mesures complémentaires comprenant, entre autres, la fourniture d’équipements et de matériels aux forces armées ukrainiennes, une interdiction du survol de l’espace aérien de l’UE et de l’accès aux aéroports de l’UE pour tous les types de transporteurs russes, la suspension de la diffusion dans l’UE des médias d’État Russia Today et Sputnik.
Ces sanctions sont décidées par le conseil de l’UE, par des séries de mesures[7] et s’accompagnent d’actes juridiques, notamment des règlements d’exécution, applicables directement dès leur publication au Journal Officiel (JO) de l’UE[8].
De surcroît, afin de faciliter l’application immédiate du gel des avoirs, l’article L. 562-3-1[9] du Code Monétaire et Financier impose une exécution dès la publication des éléments d’identification des personnes désignées au registre national des personnes[10], i.e., sans attendre la publication des règlements d’exécution au JO.
Rappelons, également, que le régime juridique du gel[11] consiste à empêcher tout usage des fonds par les personnes visées, et toute utilisation des autres ressources économiques « afin d’obtenir des fonds, des biens ou des services de quelque manière que ce soit » et que, en principe, le gel des avoirs est une mesure d’indisponibilité temporaire.
L’impact de mise en œuvre des mesures de gel par les équipes des entreprises assujetties en sus d’être immédiat :
- nécessite une organisation et des procédures internes préalablement définies, conformément à l’article L. 562-4-1 du Code Monétaire et Financier. Des guides ou lignes directrices [12] viennent également préciser les attentes des autorités (ACPR, AMF) ;
- génère une obligation de résultat. Tout manquement peut faire l’objet de sanctions disciplinaires par l’ACPR et de sanctions pénales[13] incluant, entre autres, une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement.
La mise en œuvre nécessite également que les équipes soient bien formées et informées des sujets LCB-FT ainsi que des sanctions.
Sur le plan international, la liste des sanctions[14] ne cesse également actuellement de s’agrandir. Les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres de l’Union ont ouvert, jeudi 10 mars, à Versailles, un sommet consacré à la crise qui devrait se traduire par de nouvelles sanctions. Plusieurs autres pays ont émis des sanctions en dehors de l’UE. Les États-Unis, par exemple, ont, depuis le 21 février 2022[15], mis en place des sanctions économiques, financières, d’exportation ainsi qu’un embargo sur les importations américaines de pétrole et de gaz russes.
Notons, que les sanctions émises en dehors de l’UE ne sont pas à appliquer au sein de l’Union européenne, conformément au règlement n° 2271/96 dit « de blocage[16] » qui annule (sauf autorisation par la Commission européenne) les effets, dans l’UE, de toute décision de justice étrangère fondée sur des lois, règlements et autres instruments législatifs désignés en annexe du règlement. Cependant, les sanctions étrangères s’appliquent quand même aux activités pour lesquelles l’OFAC[17] peut exercer sa compétence, c’est-à-dire, en ce qui concerne les transactions réalisées par des « US Person », utilisant le système financier américain ou pour les opérations réalisées depuis le territoire américain.
La mise en œuvre des mesures devra également s’accompagner d’une mise à jour de la cartographie des risques LCB-FT notamment, et d’une revue des profils risques des clients…. Ce sera l’objet de notre prochain article. À très bientôt. Dans l’attente, n’hésitez pas à nous contacter et visiter nos pages www.syrtals-compliance.com
[1] Compte tenu du nombre croissant de sanctions, la DG Trésor propose et publie une consolidation actualisée des textes juridiques concernant les sanctions visant la Russie et la Biélorussie du fait de la situation en Ukraine. [2] Décisions (de Politique Etrangère et de Sécurité Commune) du Conseil européen concernant les mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine [3] Russie: l'UE reconduit pour six mois supplémentaires les sanctions économiques liées à la situation en Ukraine [4] Communiqués de presse du conseil de l’Union européenne des 25 février 2022, 02 mars 2022 et 09 mars 2022 [5] Sanctions UE suite à l’annexion de la Crimée et de Sébastopol par la Russie [6] Mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie [7] Chronologie - Mesures restrictives de l'UE en réaction à la crise en Ukraine [8] L 0421, L81, L82 et Consolidation des textes européens (règlements UE et décisions PESC) par la DG Trésor pour la Russie et la Biélorussie. [9] L 562-3-1 du Code Monétaire et Financier - [10] En France, la liste des personnes et entités sanctionnées par le gel des avoir est tenue par la DG du Trésor sur un registre https://gels-avoirs.dgtresor.gouv.fr/ [11] Ukraine > Du gel à la confiscation des avoirs des personnes liées au régime russe ? [12] Lignes directrices conjointes de la DG du Trésor et de l’ACPR sur la mise en œuvre des mesures de gel des avoirs, guide sur le gel des avoirs de l’AMF, gel des avoirs : renforcement du dispositif par ordonnance [13] article L 574-3 du Code Monétaire et Financier et les 1 et 1 bis de l’article 459 du Code des Douanes [14] https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/25/guerre-en-ukraine-le-point-sur-les-sanctions-internationales-a-l-encontre-de-la-russie_6115269_4355770.html [15] Décret exécutif sur le blocage des biens de certaines personnes et l’interdiction de certaines transactions […], Fiche d'information : sanctions financières et contrôles à l'exportation, sanctions économiques, Mise en œuvre des sanctions contre la Russie en vertu du Règlement sur l’administration des exportations (EAR) et 2022-04300.pdf (federalregister.gov), Décret exécutif sur l’interdiction de certaines importations et de nouveaux investissements […], Sanctions liées à l’Ukraine et à la Russie, Sanctions contre les activités étrangères nuisibles de la Russie, Sanctions contre la Biélorussie [16] article 5 du règlement n°2271/96 et En quoi consiste le règlement européen du 22 novembre 1996, dit « de blocage » ? [17] OFAC - Office of Foreign Asset Control : https://home.treasury.gov/news/press-releases/jy0608
SYRTALS CARDS
BNPL (Buy Now Pay Later), encore et toujours…
Cet acronyme, que l’on ne présente plus, ne cesse d’affoler les chroniques et les compteurs sous toutes les latitudes.
Ses vertus sont unanimement acclamées par les commerçants et les consommateurs :
- solution 100 % digitale et parcours fluide omnicanal ;
- intégration aisée avec les systèmes d’encaissement et les CMS ;
- souscription rapide et sans couture ;
- moindre coût (voire gratuité parfois pour l’acheteur) contrairement à d’autres solutions de paiement/crédit ;
- augmentation du panier d’achats et du taux de conversion ;
- contribution à la génération de trafic et à la fidélité…
Les volumes d’achats par BNPL affichent des croissances fulgurantes et les perspectives sont plus qu’alléchantes. Ainsi, aux États-Unis, le nombre d’utilisateurs du BNPL a augmenté de 300 % entre 2018 et 2021 où environ 80 milliards USD de ventes sont attendues en 2022 (contre 3,5 fois moins deux ans plus tôt). Le Royaume-Uni a connu une croissance de 50 % en 2022 vs 2021 pour atteindre 30 milliards USD (source BusinessWire). En France, la croissance est de plus de 30 % ces deux dernières années. En Inde, selon Redseer, le marché devrait représenter 45 à 50 milliards USD de flux en 2026 contre 3,5 milliards USD aujourd’hui et il pourrait y avoir 80 à 100 millions d’usagers contre 15 millions à date.
Bien entendu, cela ne va pas sans quelques revers quand les consommateurs moins attentifs se retrouvent face à des montants de remboursement trop élevés, au regard de leurs capacités financières, et à des pénalités de retard. D’ailleurs, ils ne se rendent pas toujours bien compte de leurs engagements et il leur arrive, a posteriori, d’avouer des regrets après avoir succombé à une offre de financement si l’on en croit une étude nord-américaine de C+R Research réalisée en 2021. Ainsi, 60 % des sondés ont déjà acheté par le biais du BNPL et presque autant reconnaissent avoir acheté un produit qui ne leur était pas vraiment nécessaire. Selon l’étude, le montant moyen du dernier bien acheté est de 689 USD et celui de leur dette est de 883 USD. Près de 50 % des consommateurs ont encore des remboursements à effectuer au gré de leurs achats antérieurs et autant sont conscients qu’ils vont faire face à un retard de remboursement dans les 12 prochains mois.
C’est à ce titre que les régulateurs aux États-Unis, en Australie, au Royaume-Uni ou en Europe ont entamé une analyse des pratiques en vigueur chez certains acteurs (et des dérives qui pouvaient en découler). Dans un premier temps, il s’agit de leur demander plus de transparence (notamment dans la communication) et de vigilance quant aux risques d’endettement de leurs clients. D’autre part, il est fortement question de revisiter la réglementation qui s’applique au marché des facilités de paiement.
En France, cela concerne les paiements dits différés (paiement de l’intégralité du montant après 15 ou 30 jours par exemple) ou fractionnés, en deçà de la barre des 90 jours qui ne sont pas considérés comme du crédit consommation au regard de la loi Lagarde.
L’euphorie du BNPL conduit à une augmentation ininterrompue du nombre de protagonistes :
- entre les « anciens » (spécialistes du crédit conso et banquiers en France ou ailleurs tels que Oney, Floa, Franfinance, Cofidis, Santander, Goldman Sachs, Royal Bank of Canada…) et les « nouveaux » (ex : Klarna, Afterpay, Scalapay, Zip, Zilch, Alma, Pledg, Younited, Affirm, Splitit, Sequra…) ;
- auxquels s’ajoutent les néobanques à l’instar de Tinkoff, Revolut, Curve, Monzo ;
- sans oublier PayPal, Amazon ou bien encore les schemes Visa et Mastercard qui sont à la manœuvre pour aider les banques et commerçants à lancer des offres de BNPL/installments tels que Global Payments au Canada pour le premier ou la banque DBS à Singapour pour le second.
Certains nouveaux venus atteignent des valorisations spectaculaires. Nombre d’entre eux ont ainsi réalisé des levées de fonds à coups de centaines de millions €/USD comme l’Italien Scalapay, le Français Alma, ou encore l’Indonésien Akulaku. Fort de son dernier tour de table, le Français Alma ne manque pas d’ambitions pour se développer en Europe (il est déjà présent en Allemagne, Italie, Espagne, Belgique) et dans le BtoB ou lancer sa propre carte de paiement.
Leurs parcours prodigieux sont parfois couronnés par des IPO tout aussi retentissantes (ex : Affirm aux États-Unis, Afterpay en Australie), même si la quasi-totalité d’entre eux n’a pas engendré le moindre USD, €, £… de bénéfice. En effet, le modèle économique est ardu pour rendre cette alchimie rentable d’autant plus que le monde merveilleux du BNPL n’échappe pas aux risques d’impayés et de fraude.
Ainsi, il appartiendra aux belligérants les plus astucieux ou bien financés de continuer leur course aux volumes (clients, commerçants, transactions…), idéalement sur plusieurs géographies, et de se diversifier à l’instar de la stratégie de Klarna. Le Suédois, qui vaut déjà la bagatelle de 46 milliards USD, lance sa propre carte aux États-Unis, en Suède et au Royaume-Uni, propose du paiement comptant et se transforme progressivement en application multiservice. À noter qu’Oney, Floa ou Afterpay ont également intégré une carte de paiement avec du « BNPL inside ».
Même si les perspectives restent indéniablement radieuses — le BNPL pèse le plus souvent moins de 5 % du e-commerce et encore très peu en ce qui concerne les achats en magasins — la lutte est acharnée pour espérer rester au-dessus de la mêlée.
Dans un tel contexte, un premier vent de consolidation a commencé à souffler et il ne devrait guère s’apaiser dans un futur proche. PayPal a mis la main sur le Japonais Paidy, BNP Paribas sur Floa, Block (ex-Square) s’est emparé de l’Australien Afterpay (moyennant près de 30 milliards USD), ce dernier ayant racheté précédemment l’Espagnol Pagantis et le Britannique Clearpay pour pénétrer le marché européen.
L’autre Australien Zip a réalisé plusieurs investissements et acquisitions pour accroître sa présence internationale aux États-Unis, en Europe, en Nouvelle-Zélande, Inde, Afrique du Sud et au Moyen-Orient (Twisto, Quad Pay, Spotii, Partpay, Payflex, Zestmoney, Sezzle).
PAIEMENTS ET SERVICES
Tenue de compte et Entreprises : le duel entre néobanques et banques traditionnelles
Les entreprises en quête de rationaliser leurs traitements et diminuer les coûts bancaires, pourraient bientôt se tourner vers les néobanques, qui proposent des offres digitalisées sans frais de tenue de compte ou très réduits. En effet, les banques traditionnelles, pour couvrir les frais de traitements et de tenue de compte de sa clientèle entreprise, appliquent des commissions et des frais bancaires. Ces frais se découpent principalement en trois catégories : les frais de tenue de gestion de compte, la commission de mouvement et la commission d’intervention. Les établissements bancaires réalisent leurs bénéfices notamment avec la facturation de la commission de mouvement. Elle se calcule à partir d’un arrêté mensuel ou trimestriel et d’un taux de l’ordre de 0,06 %, voire dépassant 0,20 %, sur la valeur des mouvements débiteurs réalisés sur le compte de dépôt professionnel, assorti d’un minimum mensuel ou trimestriel. Les opérations type virement interne, remboursements d’emprunt ne sont pas prises en compte dans ce calcul. À la commission de mouvement s’ajoutent les frais fixes et récurrents de tenue de compte, et la commission d’intervention facturée unitairement, par exemple à chaque forçage du compte lors d’un rejet de chèque ou de prélèvement.
C’est pourquoi de nombreuses néobanques comme Qonto, Shine, N26, Revolut, Monabanq, Anytime, pour capter la clientèle professionnelle, exonèrent leurs clients des frais de tenue de compte et de la commission de mouvement. Elles proposent un forfait mensuel à un coût réduit de type offre groupée de services, couvrant l’ouverture du compte pro en ligne, des cartes bancaire, virtuelle et éphémère, une application mobile intuitive assurant une gestion autonome du compte pro, l’accès aux services en ligne de la banque, les paiements par carte bancaire et les virements émis et reçus en zone euro, le suivi des transactions en temps réel. L’accès à ce compte pro gratuit est soumis cependant à un minimum et un maximum d’utilisations du compte, les transactions en devises sont souvent payantes ainsi que le dépôt de capital. Leurs offres s’adressent majoritairement à la cible professionnelle et TPE, et restent aujourd’hui limitées pour la cible Grandes et Moyennes Entreprises. En général, leur solution ne prévoit pas une autorisation de découvert ni de service de cash pooling.
Le duel entre néobanques et banques traditionnelles ne fait que commencer. Les banques traditionnelles telles que Banque Postale, BPCE, Société Générale, BNPP et d’autres,sont conscientes que leurs frais peuvent vite devenir un frein pour leur clientèle et proposent, en alternative, des offres de services groupés incluant les commissions bancaires avec des limites, notamment avec négociation du taux appliqué pour le calcul de la commission de mouvement. À ces offres, les banques traditionnelles ont également des solutions de banques digitales capables de rivaliser avec les néobanques telles que Prismea, Boursorama ou Hello Bank Pro qui n’appliquent pas de frais pour les opérations à l’international et proposent l’agrégation des comptes bancaires pour certaines. Les banques traditionnelles ont un avantage certain ; elles ont su fidéliser leur clientèle en proposant un panel de services adaptés et performants qui va de la gestion des flux de paiements, en passant par le cash management jusqu’aux services financiers et assurantiels. Certes, les néobanques sont encore fragiles pour capter le marché des Grandes et Moyennes Entreprises. Toutefois, les banques traditionnelles auraient tort de les sous-estimer, et doivent plus que jamais innover en poursuivant l’enrichissement de leurs offres, notamment sur les crédits et facilité de caisse, emprunts, cash pooling, fusion d’échelles, comptes en devise et multidevise, IBAN et cartes virtuelles et comptes spécifiques tels que séquestre, nantissement, affacturage et cantonnement. La digitalisation et la sécurisation de leurs services, en particulier le parcours clients, et la fluidité de l’entrée en relation sont également des axes différentiant qu’il faut continuer à améliorer.
La course est lancée. Les frais bancaires ne seront pas le seul axe du duel, les banques traditionnelles ont des atouts, mais doivent continuellement écouter les attentes de leurs clientèles et chercher comme cherchent ceux qui doivent trouver.
CASH MANAGEMENT
L’offre SWIFT Go pour les paiements transfrontaliers des PME et des particuliers poursuit son essor
Depuis sa mise en service en 2017, SWIFT gpi (global payment innovation) a supprimé de nombreux points de friction rencontrés dans les paiements transfrontaliers, en particulier pour les grandes entreprises. Cependant, les paiements transfrontaliers pour les petites entreprises et les segments de consommateurs demeurent une expérience sous-optimale.
En cela, SWIFT a lancé un nouveau service SWIFT Go s’inscrivant dans la continuité de SWIFT gpi qui vise à rendre les paiements transfrontaliers de faibles montants de la sphère retail/PME aussi rapides, simples, peu coûteux, prédictibles et sécurisés que les paiements domestiques.
Six mois après son lancement en juillet 2021 dernier avec plus de 120 banques dans le monde inscrites à ce service, l’offre SWIFT Go poursuit son essor. L’adoption rapide de SWIFT Go par la sphère bancaire a mis en exergue la forte demande pour ce service facilitant les paiements internationaux des PME et des particuliers directement depuis leurs comptes bancaires.
SWIFT Go a été développé en étroite collaboration avec la communauté SWIFT mondiale et repose sur les principes suivants :
- Rapidité : Le resserrement des niveaux de service entre les banques et l’emploi d’un format de paiement unique augmentent la rapidité d’exécution et son traitement direct STP (Straight-Through Processing). Le recours au service de prévalidation supprime les erreurs et les omissions dans les messages de paiement engendrant des retards de règlement. Basée sur une API en temps réel, la prévalidation permet aux banques émettrices d’envoyer et de recevoir des alertes du réseau SWIFT afin de vérifier les informations relatives aux comptes des bénéficiaires réduisant ainsi les délais, les frictions et les coûts des transactions.
- Prévisibilité : Le montant du paiement, le temps de traitement, les frais et le taux de change sont connus à l’avance. L’expéditeur et le destinataire peuvent suivre l’état d’exécution du paiement en temps réel.
- Facilité d’utilisation : L’expérience utilisateur est simple et simplifiée, avec des exigences en matière de données connues dès le départ. La validation stricte du réseau SWIFT facilite le lancement et le traitement des paiements SWIFT Go.
- Prix compétitifs : SWIFT Go fournit un cadre pour les paiements transfrontaliers de faibles valeurs à des prix compétitifs. Les frais de traitement sont convenus à l’avance entre les institutions financières afin qu’elles puissent offrir à leurs clients une transparence totale.
- Sécurité : Les expéditeurs et les destinataires ont la certitude que les paiements sont soutenus par la sécurité renforcée du réseau SWIFT.
Pour être éligible à SWIFT Go, le paiement transfrontalier doit respecter un seuil de montant maximum qui est le même pour tous les clients, à savoir : 10 000 EUR, 10 000 USD, 10 000 GBP et 10 000 USD équivalents pour les autres devises.
SWIFT Go est l’une des dernières offres qui s’ajoute à la liste des services de SWIFT à valeur ajoutée pour répondre à l’exigence croissante des clients dans les paiements transfrontaliers. À travers cette initiative, SWIFT affiche encore une fois sa volonté de jouer un rôle de premier plan dans le renforcement de la protection de l’écosystème interbancaire des paiements transfrontaliers.
SWIFT Go tire parti de la force de SWIFT gpi avec un niveau de service multilatéral plus strict améliorant considérablement l’expérience client de bout en bout, réduisant les frictions et permettant aux banques de mieux répondre aux besoins transfrontaliers des paiements de moindre valeur de leurs clients particuliers et des PME.
C’est aussi une réponse de SWIFT dans un environnement des paiements bousculé par les Fintechs. SWIFT Go est une nouvelle étape vers la réalisation d’une vision commune consistant à permettre à n’importe qui, n’importe où, d’envoyer de l’argent rapidement et en toute sécurité dans le monde entier.
Évolution des paiements et données personnelles : nécessité (re)fait loi
Le monde des paiements évolue dans son offre, dans sa structure, dans sa fluidité. Il s’ouvre à de nouveaux acteurs, jeunes fintechs, autres prestataires de services de paiements et géants internationaux du net. Ce monde innove avec, par exemple, le paiement instantané, les monnaies numériques, la construction d’un format de carte européen en concurrence à Visa et Master Card. Toutes ces évolutions répondent à des attentes des utilisateurs de services de paiement ou facilitent leurs actes d’achats.
Cette transformation des paiements se traduit cependant par une très forte numérisation. Le chèque baisse drastiquement depuis plusieurs années (il ne représente plus que 5 % des paiements scripturaux contre plus de 70 % dans les années 1980). L’utilisation des espèces diminue également, notamment du fait de la crise du COVID au profit du paiement sans contact. La grande gagnante de ces mutations est bien la carte bancaire, dont l’utilisation pour les achats en ligne ne cesse d’augmenter.
Avec la « consommation » de ces moyens de paiement, l’anonymat des paiements tend à disparaître et leur traçabilité augmente. Les achats se font maintenant avec la fourniture de données de paiement, de données d’achat et de données de contexte, qui sont toutes des données à caractère personnel. Une exploitation de ces données à des fins marketing est souvent évoquée, en ce qui concerne les données d’achat et les données de contexte. Certains vont même jusqu’à soupçonner une surveillance des consommateurs.
L’évolution des paiements attire de nouveaux acteurs. En premier lieu, les prestataires de services de paiement (PSP), tels que réglementés par la Directive sur les services de paiement. Il fut un temps où les PSP étaient vus par les banquiers comme une concurrence inégale du fait des contraintes plus souples auxquelles ils devaient se conformer. Finalement, un écosystème de coopération s’est globalement créé entre les fintechs et les banques. Les PSP apportent surtout une forme digitalisée des services de paiement qui facilite la consultation et l’usage des paiements. D’autres acteurs sont intéressés par le monde des paiements pour les données qu’ils pourraient exploiter. Ces acteurs se positionnent sur la chaîne de paiement, entre le commerçant et la banque du payeur, et fournissent des services annexes. Leur business model se définit par la proposition de services de paiement gratuits, mais dont la rentabilité est assurée par l’exploitation et la commercialisation des données de paiement, d’achat et de contexte captés. Enfin, parmi ces acteurs, des géants internationaux s’invitent avec pour pratique le déploiement, quelle que soit la zone géographique, d’un modèle unique.
Pour les utilisateurs des services de paiement, une double garantie doit être proposée dans leurs achats : l’anonymat et la protection des données. L’anonymat, en particulier pour les achats en ligne, est possible grâce à la tokénisation. Compte tenu du taux de fraude plus élevé pour les achats en ligne que pour les achats en magasin, certaines banques proposent des applications permettant de générer des numéros de cartes valables un temps défini et correspondant au montant à régler. De même, le développement de l’utilisation du Request for Transfer pourrait s’appuyer sur un token de l’IBAN du compte à débiter. D’ailleurs, il y a quelques années déjà, SEPAmail Rubis s’appuyait sur un QXBAN, alias de l’IBAN du débiteur. L’Instant Payment peut également reposer sur l’utilisation d’un token. Un QR Code peut être scanné pour remplir les données du bénéficiaire du virement, sans pour autant que l’émetteur en connaisse le détail. Une quantité importante d’usages est compatible avec la tokénisation de l’IBAN.
La deuxième garantie, concernant la protection des données, est offerte par le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données). Il distingue le responsable du traitement, sur qui de fortes contraintes pèsent, mais qui a la possibilité d’exploiter les données, et les sous-traitants, qui ont moins de contraintes, mais ne peuvent pas exploiter les données pour leur compte. Grâce à ce Règlement, le responsable de traitement doit veiller à ce que la finalité du traitement soit déterminée, légitime et explicite. Une base légale est donc indispensable au traitement. Dans ce cadre, le modèle économique qui exploite les données de ses clients à des fins autres que celles du paiement ne peut subsister. Le RGPD protège donc les utilisateurs de services de paiement, mais pas uniquement, et perturbe les souhaits de déploiement globalisé de certains acteurs internationaux. Pour contourner l’obstacle, certains d’entre eux jouent sur les mots : ils délocalisent le stockage des données de paiement à caractère personnel en dehors de la zone où le RGPD est en vigueur. Une des pistes à l’étude est de compléter ce Règlement pour obliger les responsables de traitement de localiser ces données dans un pays soumis au RGPD.
L’évolution des paiements et leur protection reposent tant sur l’innovation que sur la réglementation. La Directive sur les Services de Paiement entrée en vigueur en 2009 constituait une réponse réglementaire à des pratiques déjà en place. Pareil pour la DSP2. La révision de la DSP2 visant à vérifier qu’elle répond toujours aux pratiques du marché des paiements va bientôt avoir lieu. Elle pourra être utilement complétée. Les deux piliers, innovation et réglementation, garantissent des moyens de paiement modernes et conformes aux règles locales, indépendantes des acteurs internationaux.
- B. Cet article est inspiré de la lecture du livre blanc publié par la CNIL Quand la confiance paie . Il ne prétend pas en être un résumé ou une critique, loin de là.
INTERVIEW
- La Banque Postale met en place une nouvelle Tenue de compte, que pouvez-vous nous dire sur ce projet ?
Le programme de rénovation du SI Core Banking de La Banque Postale a pour objectif la mise à disposition d’une nouvelle Tenue de Compte pour servir La Banque de Grande Entreprise. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la création de la nouvelle banque de financement d’investissement. L’idée est de pouvoir proposer à notre clientèle entreprise les principales offres de tenu de compte et de cash management qui existent aujourd’hui sur le marché. C’est un des prérequis pour devenir un banquier de 1er cercle. Ce que je qualifie « d’offre incontournable » se regroupe en trois axes : développer la relation avec les clients et en capter de nouveaux, obtenir les flux (monétiques, commerçants) et faire croître le PNB (commission de mouvement…).
Le plan stratégique posé l’année dernière, à horizon 2025, prévoit un développement important de l’activité flux, rendue possible par l’enrichissement de l’offre, ce qui nous permettra de répondre aux attentes des entreprises.
Initié il y a quelques années, le programme « tenue de compte » est une bonne illustration de cette stratégie. Il a notamment permis la mise en place les nouvelles fonctionnalités pour les personnes morales sur le composant Account Management de l’éditeur Sopra. Cela a généré la construction d’un socle applicatif fiable. En termes de volumétrie, cela signifie que nous sommes capables de gérer tous les soldes opérationnels des personnes morales et nous avons migré 23 millions de comptes épargne – pour les personnes physiques et les personnes morales – sur ce nouveau socle. Autres fonctionnalités très attendues par les entreprises : la mise en place d’un nouveau socle technique mono et multi-compte, le déploiement des arrêtés mono-compte et la mise en œuvre des fonctionnalités multi-comptes (calcul d’arrêtés, faisabilité, administration des conventions), pour préparer le déploiement de l’offre Convention Multi Comptes.
Enfin, il est important de retenir que les données de la tenue de compte sont clé, car elles sont « consommées » ou alimentent plus d’une cinquantaine d’applications dans les principaux domaines de la banque que sont la connaissance client, la contractualisation, le reporting client, la facturation, les moyens de paiements, la comptabilité et le reporting (réglementaire comptable), la gestion opérationnelle, les risques, les restitutions réglementaires, le pilotage… ne sont que quelques exemples ! Ces tenues de compte et ces données sont également impactées par tous les projets de places API, IP, IBAN Virtuel, Centralisation de trésorerie…
- Pouvez-vous évoquer les enjeux sur la démarche projet ?
Tout d’abord, il est important de mentionner que la tenue de compte actuelle a été développée il y a plus d’une cinquantaine d’années et ne répond plus aux standards techniques et aux attentes fonctionnelles et opérationnelles. Aujourd’hui, nous sommes souvent obligés de rentrer dans le code pour reconstituer certaines règles de gestion. C’est la raison pour laquelle un choix stratégique a été fait d’un co-développement avec un éditeur de la place, Sopra Banking Software.
Notre objectif est de gérer l’obsolescence tout en enrichissant l’offre, dont le déploiement de nouveaux outils de découvert et de surveillance des comptes, une offre multi-comptes, l’enrichissement de l’offre de Cash pooling physique (en priorité pour les ETI et les Grands Comptes). C’est notamment sur ces sujets que nous sommes accompagnés par l’équipe Syrtals. Ils nous guident à la fois sur la définition de l’offre et la mise en œuvre de ces services qui seront complétés par la mise en place des fonctionnalités de tenue de compte PMO nécessaires à la gestion des comptes Pros et Entreprises fin 2023 pour environ 400 000 comptes, par la fusion d’échelles d’intérêts (sans flux de trésorerie) en priorité pour les institutionnels, mais aussi des Entreprises/PME (le cash pooling notionnel), par la création d’un certain nombre de comptes spécifiques et enfin la Tenue de compte en devises.
La dernière étape sera la migration des 11 millions de comptes particuliers.
- Au niveau de l’offre, pouvez-vous nous donner un exemple de nouveau produit proposé autour de cette nouvelle tenue de compte Entreprises ?
Un de nos enjeux majeurs est d’enrichir de façon significative notre offre de cash management et de centralisation de trésorerie. Nous lancerons d’ailleurs, fin d’année, une offre dite de multi-comptes qui doit permettre à une entreprise de gérer, de manière globale, sa position de trésorerie et non plus au niveau de chacun de ses comptes. Cette fonctionnalité viendra grandement simplifier la gestion de trésorerie quotidienne, en supprimant, notamment, le besoin de faire des virements d’équilibrage entre les différents comptes. En cas de positions débitrices, un simple besoin de découvert sur la convention sera nécessaire. Enfin, en ce qui concerne le reporting – un élément clé pour les trésoriers –, il sera digitalisé pour une transparence et une traçabilité accrue.